Vague de coups d’état : Le syndrome des années 60 ?

Écrit par Super User le . Publié dans Politique

Aussi déplorables que condamnables soient-ils, les coups d’Etat constitutionnels ou perpétrés par des militaires en Afrique sont loin d’être une surprise au regard de la gestion proposée par la classe politique depuis plusieurs décennies. Instabilités politiques chroniques, paupérisation accrue de la population sur fond de pillage du denier public et de violation des règles de la démocratie sont devenus depuis plusieurs années le lot quotidien des populations dans la plupart des pays de la sous-région.

La liesse populaire qui accueille les renversements de régime n’est ni plus ni moins que l’expression d’une profonde déception. Après plusieurs années de pratique démocratique, la sous-région est-elle en train de rebrousser chemin ?

Après les Présidents IBK et Alpha Condé, Rock Marc Kristian Kaboré, Président du Burkina Faso a été renversé par un coup d’Etat. Cette vague de coups d’Etat ou tentatives de prise du pouvoir par la grande muette rappelle à bien des égards, l’irruption des treillis sur la scène politique des années 60, qui a emporté plusieurs Présidents du continent. Cependant, contrairement aux auteurs des coups d’État des années 60, les princes du jour soutiennent tous ceux qui veulent restaurer l’autorité de l’État et donner un nouveau souffle à la démocratie. Aussi inquiétant soit-il, le recours aux renversements des régimes démocratiques pour régler les problèmes politiques met à nu l’incapacité des acteurs politiques à répondre aux aspirations de la population et leur éternel division. L’espoir suscité par l’avènement de la démocratie sur le continent s’est progressivement transformé en désillusion. Après avoir vidé la démocratie de sa substance, la classe politique s’est enfermée dans la bulle de la légitimité offerte par leur élection en laissant le pays et l’immense majorité de la population sur la touche.

La crise sécuritaire qui sévit depuis plusieurs années au Mali, au Burkina Faso et au Niger n’est que la goutte d’eau qui aura fait déborder le vase. De la démocratie, la majorité de la population dans ces pays, n’en retient que la détérioration de son quotidien et l’assombrissement de son avenir. Contrairement à d’autres continents ou les bienfaits de la démocratie sont immenses, dans la sous-région, elle a été source d’instabilités sociopolitiques sur fond de pillage des ressources par une élite. Pour autant, faut-il applaudir les coups d’État qui sont aujourd’hui considérés comme la revanche de la population contre la classe politique ? Ce serait voir le verre à moitié plein ou à moitié vide.

L’échec de la classe politique qui ne souffre de l’ombre d’aucun doute car elle a entraîné la population dans un marché de dupe dès les premières heures de l’avènement de la démocratie. L’argent et les avantages en nature ont vite remplacé le véritable pacte républicain sous-tendu par le partage d’une vision, d’une conviction et des ambitions claires pour le pays entre acteurs politiques et militants.

En privilégiant la conquête du pouvoir pour l’assouvissement de l’ambition personnelle, la classe politique a depuis plusieurs années, engagé le pays sur le chemin d’une aventure qui ne pouvait mener qu’aux renversements de régimes démocratiquement élus. L’enthousiasme des uns et la frustration des autres lorsque survient un coup d’Etat, qu’il soit constitutionnel, électoral ou militaire est une fuite en avant qui occulte le vrai débat sur les modèles de démocraties pratiquées dans la sous-région et la responsabilité des opinions nationales dans les dérives de la gouvernance tant au plan politique que social qui sont en partie à l’origine des coups de forces dans le sens le plus large du terme. Société civile et acteurs politiques doivent d’un commun accord répondre à une question essentielle qui est : quelle démocratie faut-il pour le continent ?

Bouba Sankaré

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